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ANALGESIE OBSTETRICALE ET ACCOUCHEMENT: Revue de la
littérature par Michel Briex
L'analgésie locorégionale a trouvé une large
diffusion dans les maternités, parfois décriée, souvent accusée de perturber le
déroulement du travail ou d'augmenter le nombre d'interventions obstétricales, elle
reste néanmoins une des méthodes les plus plébiscitées par les patientes en France.
Des progrès sont pourtant en train de voir le jour avec la péridurale déambulatoire,
l'association séquentielle rachi-péridurale ou l'administration contrôlée par la
patiente; s'agit il d'un réel progrès ou d'un gadget de plus? La sélection des travaux
qui vont suivre s'efforcera de vous permettre de voir plus clair.
CARACTERISTIQUES DE
LA DEUXIEME PARTIE DU TRAVAIL CHEZ 25.069 ACCOUCHEMENTS DANS LA REGION SANITAIRE DU
NORD-OUEST DE LA TAMISE, 1988 |
The caracteristics
of the second stage of labour in 25.069 singletons deliveries in the North West Thames
Health Region, 1988. Paterson CM, Saunders NS, Wadswoth J. Br Obstet Gynecol 1992 May;
99(5):377-380.
Objectif: Définir les caractéristiques
actuelles de la seconde partie du travail dans une région sanitaire.
Matériel et méthodes: Dix sept maternités d'une base de donnée
sanitaire de la région du Nord Ouest de la Tamise. 36.727 accouchements de singletons
nés en 1988. L'analyse a été limitée à 25.069 patientes ayant accouché d'un enfant
de 37 SA en présentation céphalique. Les éléments pris en compte concernaient les
interventions obstétricales, la morbidité materno-foetale dans la phase active du
travail.
Résultats: La durée de la phase active du travail et les interventions
obstétricales été significativement associée à la parité et à l'utilisation de
l'analgésie péridurale. L'âge maternel, le poids de naissance et la taille de la mère
ont été eux aussi associés avec une augmentation la durée de la phase active du
travail. il existe et des petites différences, mais significatives dans les
caractéristiques des femmes utilisant l'analgésie péridurale et celles qui ont recours
à d'autres méthodes de prise en charge de la douleur . les multipares sous péridurale
avaient un travail similaire à celui des nullipares sans péridurale. Malgré une phase
active du travail plus long observée chez les patiente utilisant une péridurale il
n'apparaît pas d'accroissement significatif de la morbidité ftale .
Indépendamment de la région, le taux de péridurale dans chacune des unités semble
positivement corrélé avec le taux de forceps, le taux de césariennes dans la deuxième
phase du travail et avec la durée de cette deuxième phase .
Conclusion: Dans cette étude, la durée de la deuxième partie du
travail (phase d'expulsion) chez les patientes n'utilisant pas une analgésie péridurale
a été identique aux résultats attendus, mais chez celles utilisant une analgésie
péridurale, la durée de la phase active du travail été plus importante que ce qui
avait été montré auparavant, traduisant probablement une approche plus attentiste pour
les interventions obstétricales. Les études statistiques montrent que chez les
multipares n'utilisant pas de péridurale, la probabilité d'acouchement par les voies
naturelles après une erreur dans la phase active a été faible mais chez les multipares
utilisant une d'analgésie péridurale et chez toutes les nullipares il n'y avait pas
réellement un point de non retour au-delà duquel on ne pouvait espérer un accouchement
spontané, ces patientes continuent a donner naissance spontanément dans une proportion
importante après plusieurs heures lorsque les conditions maternelle et ftale sont
satisfaisantes, l'intervention médicale doit donc être orientée sur la progression
obstétricale plus que sur la durée écoulée depuis le début de la dilatation
complète.
Note de l'auteur: L'étude
est bien faite et le recrutement conséquent; cette augmentation du taux d'interventions
obstétricales ne s'observe toutefois pas dans toutes les
études. Certains éléments peuvent constituer un biais: les patientes primipares
qui désirent une péridurale ne sont pas les mêmes que celles qui la refusent, celles
qui gardent un souvenir pénible de leur accouchement par exemple (gros bébé,
intervention obstétricale) sont davantage tentées de réclamer ce mode d'analgésie pour
leur accouchement suivant; par ailleurs la maîtrise et l'expérience dans les méthodes
d'analgésie ont changé sur ces dix dernières années, les produits sont différents et
les doses préconisées aussi, ce qui fait que les effets adverses ont eux aussi pu se
réduire. Seule une étude prospective avec patientes choisies au hasard nous indiquerait
les effets adverses de l'analgésie péridurale: cette étude semble en France
difficilement réalisable de nos jours. |
OBSERVATIONS SUR L'ANALGESIE
PERIDURALE OBSTETRICALE ET LES INTERVENTIONS OBSTETRICALES |
Observations on labor epidural
analgesia and operative delivery rate Tancey MK, Pierce B, Schweitzer D, Daniels D. Am J
Obstet Gynecol 1999 Feb;180(2 Pt 1):353-9.
Objectif: Le but de cette
étude était de comparer les taux d''accouchement par les voies naturelles et par
césarienne dans une population avant et après proposition systématique d'un analgésie
péridurale.
Protocole de l'étude: Etude rétrospective sur 20 mois immédiatement
avant la mise en place d'une proposition systématique de péridurale pour toutes les
parturientes; puis sur 20 mois après une stabilisation des péridurales à un taux de
60%. Les interventions obstétricales ont été comparées en fanction de la parité et
des césariennes dans les antécédents.
Résultats: 4859 patientes ont accouché dans la période où
l'analgésie péridurale était systématiquement proposée et 4778 patientes ont
accouché dans la période précédente. La comparaison entre ces deux groupes ne montre
pas de différence significative dans le taux d'accouchement (69,5% vs 68,3%), le taux de
césarienne est comparable (19% vs 19,4%), le taux de première césarienne (13,2% vs
13,4%) ou le taux de forceps (11,1% vs 11,9%) sont eux aussi comparables. Il n'existe
aucune différence significative entre l'âge gestationnel, mais on note une différence
significative dans l'augmentation du nombre de nullipares et le poids moyen de naissance
plus important dans le deuxième groupe. L'analyse statistique ne montre pas de
différence significative à parité égale entre le taux de césarienne et le taux
d'accouchements par les voies naturelles entre les deux groupes. L'analyse dans le sous
groupe des patientes ayant accouché dans la période où la péridurale était disponible
à la demande montre que les nullipares qui demandent une péridurale sont deux fois plus
susceptibles d'avoir une intervention obstétricale que les patientes qui ne réclament
pas la péridurale ce qui laisse penser aux auteurs que celles qui demandent sont plus à
risque d'intervention obstétricale.
Conclusion: L'introduction d'une politique de péridurale à la demande
n'accroît pas le taux de césarienne ou d'interventions obstétricales.
Note de l'auteur: Un travail bien
conduit. On aperçoit au passage les forts taux de césariennes et le taux de péridurale
d'introduction récente dans cet hôpital. La différence du taux d'accouchement spontané
chez les nullipares avec ou sans péridurale trouve ici une explication très
intéressante: alors que Paterson et coll. l'attribuaient
à un effet adverse "néfaste" de ce mode d'analgésie, ici l'auteur l'attribue
au fait qu'il ne s'agit pas des mêmes patientes qui demandent ou non une péridurale pour
leur premier accouchement; on peut penser que les patientes qui ont une histoire familiale
obstétricale difficile ou un vécu personnel particulier de leur grossesse n'ont au
départ pas les mêmes chances d'accoucher normalement. Ce seraient les mêmes qui feront
beaucoup plus appel à la péridurale. |
EFFORTS EXPULSIFS IMMEDIATS
OU DIFFERES DANS LA PHASE ACTIVE DU TRAVAIL CHEZ DES NULLIPARES AVEC ANALGESIE PERIDURALE:
ETUDE RANDOMISEE. |
Immediate and delayed pushing in the second stage
of labour for nulliparous women with epidural analgesia: a randomised controlled trial.
Vause S, Congdon HM, Thornton JG. Br Obstet Gynecol 1998 Feb; 105(2):186-8.
Objectif: Vérifier l'hypothèse selon
laquelle une politique d'attente avant les efforts expulsifs dans la phase active du
travail chez des nullipares sous péridurale réduit le taux d'accouchement par les voies
naturelles.
Matériel et méthodes: Etude contrôlée randomisée ayant eu lieu à
Leeds chez 135 patientes nullipares avec une péridurale efficace pendant le travail . Les
patientes ont été tirées au sort pour commencer à pousser précocement (dans l'heure
suivant le diagnostic de dilatation complète) ou plus tardivement (maximum dans les trois
heures suivant la dilatation complète sans que la tête ne soit visible).
Résultats: Il existe une augmentation non significative des
interventions obstétricales quand les patientes poussent précocement (1,31, 95%
[0,62-2,78]). Aucun effet indésirable n'a été noté.
Conclusion: Bien que les efforts expulsifs tardifs s'associent à un taux
plus faible d'interventions obstétricales, la taille de l'effectif a diminué les chances
de montrer une différence significative. A ce jours il n'y a pas lieu de recommander une
attitude plutôt que l'autre.
Note de l'auteur: Une étude qui se
donne comme objectif de "prouver" quelque chose part assez mal...cela sous
entend que l'on a un à priori. Sur le plan statistique le travail est pourtant bien
conduit et bien que faible l'effectif est suffisant car les patientes ont bien été
choisies au hasard et les paramètres observés sont limités. Manque simplement ici la
façon dont le diagnostic de dilatation complète a été fait: à la Française avec un
partogramme horaire ou à l'Anglaise avec des examens plus rares? |
EFFET
MINEUR DE LA DEAMBULATION SUR LE TRAVAIL ET L'ACCOUCHEMENT |
Lack effect of walking on labor and delivery. Bloom SL,
McIntire DD, Kelly MA, Beimer HL, Burpho RH, Garcia MA, Leveno KJ. Nengl Med J 1998 Jul
9,339(2):76-79.
Matériel et méthodes La déambulation pendant le travail
pourrait diminuer l'inconfort des patientes et améliorer l'évolution du travail. Les
auteurs ont réalisé une étude randomisée sur la déambulation pendant le travail pour
déterminer si celle ci modifiait la durée du travail et le devenir maternel et
ftal. Des patientes ayant eu une grossesse au déroulement normal, en travail entre
36 et 41 semaines ont été tirées au sort pour être soit en décubitus (prise en charge
habituelle) soit pouvant déambuler. Des podomètres ont été utilisés pour évaluer la
distance et le temps passé à se déplacer.
Résultats: Parmi les 536 femmes autorisées à marcher, 380 l'ont effectivement fait. Le
temps passé à marcher était de l'ordre de 56 +/-46 minutes. Il n'a été noté aucune
différence entre le groupe autorisé à marcher et les 531 patientes prise en charge
selon les méthodes habituelles pour la durée de la première phase du travail (6,01
heure dans les deux groupes p=0,83), pour le recours aux ocytociques (23% vs 26%), et le
recours à l'analgésie (84% vs 86%).Les pourcentages de forceps ou de césarienne
étaient eux aussi comparables, il en était de même pour l'état de l'enfant .
Conclusion: La déambulation n'améliore ni ne perturbe le déroulement du travail et n'a
pas été préjudiciable aux mères comme à leurs enfants.
Note de l'auteur: Tous
les auteurs ne sont pas du même avis et certaines études comme la suivante semblent
montrer un bénéfice à la déambulation (aucune ne montre d'effets délétères
importants). Il n'a pas été précisé ici le pourcentage d'analgésie locorégionale ni
la méthode choisie pour le contrôle pendant la déambulation: en l'absence de
télémétrie une promenade au bout de la "laisse" du monitoring n'est peut
être pas très engageante pour tout le monde. |
RELATION ENTRE DEAMBULATION
PENDANT LE TRAVAIL ET INTERVENTIONS OBSTETRICALES. |
The relationship of ambulation in labor to
operative delivery. Albers LL, Aderson D, Cragin L, Daniels SM, Hunter C, Sedler KD, Teaf
D. J Nurse Midwifery 1997 Jan-Feb; 42(1):4-8.
Une version abrégée de la base de données cliniques des
sages femmes a été utilisée pour recueillir les données chez les 3.049 patientes dans
trois sites différents ayant commencé le suivi de leur grossesse avec une sage-femme.
Les données démographiques, la prise en charge intra partum et le devenir ont été
répertoriés. La déambulation pendant le travail a été étudiée dans un échantillon
à faible risque d'intervention obstétricale sans prise en charge active du travail
(péridurale, ocytociques, etc.) ayant pu modifier la mobilité dans le travail. Le groupe
des patientes qui déambulent pendant une durée significative (comparé aux patientes qui
ne bougent pas) avait un taux d'interventions obstétricales deux fois plus faible (2,7%
vs 5,5%).
Note de l'auteur: Même
si l'effectif n'est pas trop faible ici, cette étude pêche par certaines faiblesses: Le
travail est rétrospectif, les auteurs ont quelques à priori puisqu'ils considèrent
qu'une prise en charge active du travail augmente le risque d'intervention obstétricale
(alors que c'est le risque d'intervention obstétricale qui incite à prendre en charge le
travail plus activement), la péridurale est elle aussi considérée comme susceptible
d'augmenter les interventions obstétricales alors que cela n'est
pas prouvé. Par ailleurs aucune patiente de ce groupe n'a pu déambuler avec une
analgésie péridurale qui semble pourtant assez intéressante. |
LA DEAMBULATION PENDANT LE
TRAVAIL MODIFIE T-ELLE LES CONDITIONS D'EXTRACTION FTALE ? |
Does ambulation under epidural analgesia during
labor modify the conditions of fetal extraction. Asselineau D. Contracept Fertil Sex 1996
Jun;24(5):505-508
Les auteurs rapportent ici les résultats d'une étude
rétrospective ayant porté sur deux groupes de 120 parturientes ayant reçu une
analgésie péridurale dont la dose permettait la déambulation. Les patientes du premier
groupe étaient autorisées à déambuler alors que les patients du groupe 2 restaient au
repos. Les deux groupes étaient comparables pour le status maternel (terme, âge,
parité, prise de poids) ou pour le status ftal (poids, score d'apgar). La
comparaison entre les deux groupes montre une augmentation discrète de la durée du
travail et de la quantité d'analgésiques utilisés. Même si le taux de césarienne est
le même dans les deux groupes on note une réduction significative du taux d'extractions
instrumentales (31,4% vs 44,8% p<0,05) et du taux d'épisiotomie (50,4% vs 66,7%,
p<0,01) dans le groupe des patientes autorisées à déambuler. L'acceptation par les
patientes était excellente dans les deux groupes. Les patientes ayant déjà connu
auparavant une péridurale classique préféraient ce deuxième mode de péridurale.
Note de l'auteur: On n'a
pas à ce jour de preuve flagrante d'un important avantage à la déambulation pendant le
travail, si différence il y a, elle est très probablement faible. Par contre il paraît
indéniable que ce type de péridurale est particulièrement apprécié par les patientes
qui se sentent ainsi moins médicalisées (alors qu'elles le sont tout autant). Sur une
expérience de quelques mois dans le service où je travaille, il n'y a eu à ce jour
aucun reproche fait par les patientes à cet type d' analgésie.
On regrette simplement que ce travail au demeurant fort bien fait manque d'efficacité
statistique, il conviendrait de mettre en uvre une étude prospective comparant des
groupes avec ou sans analgésie péridurale classique, analgésie péridurale permettant
la déambulation ou non et déambulation ou non. Bien sûr la tâche est ardue et personne
à ma connaissance ne s'y est pour l'instant attelé. |
ANALGESIE LOCOREGIONALE
PENDANT LA PREMIERE PHASE DU TRAVAIL: COMBINAISON RACHI-PERI versus
PERIDURALE. |
Regional analgesia in early active labour :
combined spinal epidural vs. Epidual Price C, Lafrenière L, Brosnan C, Findley I.
Anesthesia 1998 Oct; 53(10):951-955.
Les auteurs ont ici sélectionné 93 patientes désireuses
d'une péridurale pour bénéficie soit d'une péridurale (n=48) soit d'une
rachi-péridurale combinée (n=45).Pour la péridurale 15ml de Bupivacaïne à 0,1% avec
75 µg de Fentanyl étaient injectés dans l'espace péridural. Pour la rachi-péri
combinée 1ml de bipivacaïne à 0,25% avec 25µg de Fentanyl étaient injectés dans
l'espace subarachnoïdien. Pour les deux groupes des réinjections de 10ml de Bupivacaïne
à 0,1% avec 20 µg de Fentanyl étaient administrés par une pompe contrôlée par le
patient et réglée avec une période réfractaire de 30mn. Les auteurs ont évalué
l'effet moteur et l'analgésie et n'ont trouvé aucune différence entre les deux
groupes., la satisfaction maternelle était elle aussi comparable. Le moment de la
première réinjection était plus tardive dans le groupe péridurale combinée (p=0,001),
le groupe rachi-péridurale avait un bloc moteur plus important a 30 mn que le groupe
péridurale (p=0,01) mais cette différence n'était plus notée au delà. Les auteurs
concluent ici que l'association rachi-péridurale n'apporte pas d'avantages par rapport à
la péridurale.
Note de l'auteur: Rares
sont les travaux montrant un énorme avantage à ce mode d'analgésie combinée pendant le
travail autant en terme de satisfaction qu'en terme d'évolution obstétricale. Dans la
mesure où la rachianesthésie comporte beaucoup plus de dangers qu'une péridurale
isolée, il n'y a à ce jour pas de raison de changer de mode d'analgésie; peut être de
futures études viendront elles nous montrer le contraire
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