LES TRAUMATISMES DE LA FACE

ETIOLOGIE

EXAMEN D'UN TRAUMATISE DE LA FACE

 

2°) Examen radiologique

Il faut éviter de multiplier les incidences en urgence, les radios de face et de profil étant inutiles. Les clichés de débrouillage comprennent une radiographie panoramique et une incidence visualisant l'étage moyen (LOUISETTE, WATERS).

Au terme de ce bilan, on peut déterminer :

- le degré d'urgence : plaie à suturer, fracture à grand déplacement, problème hémorragique...

- le diagnostic de localisation (fracture simple d'un pare-choc naturel, fracture complexe de la face...)

- la nécessité d'un examen complémentaire qui sera réalisé secondairement chez un patient déchoqué :

· tomodensitométrie de l'étage moyen et ou de la base du crâne

· examen ophtalmologique complet avec LANCASTER

· examen O.R.L complet (en cas d'otorragie)

· avis neurochirurgical

 

 

 

1) Fracture du corps de la mandibule ou de l'angle

a) Clinique :

- notion de traumatisme par choc direct

- douleurs et impotence fonctionnelle (bouche semi-ouverte, gêne à la déglutition)

- oedème et ecchymose labiale

- point douloureux électif et éventuel trouble de la sensibilité dans le territoire alvéolaire inférieur

- à l'examen endo-buccal, mobilité perceptible du foyer fracturaire ou perte complète de l'articulé en cas de fracture déplacée

L'état dentaire et les lésions muqueuses associés seront soigneusement notés.

- en cas de trouble occlusal important, il faudra essayer de faire préciser par le patient l'état occlusal antérieur

b) Bilan radiologique :

- radiographie panoramique (à défaut maxillaire défilé)

- symphyse étalée

- éventuel cliché occlusal pour préciser une fracture de la région symphysaire

 

2) Formes cliniques

a) fracture de l'angle : favorisée par la présence d'une dent de sagesse incluse (la fracture peut se produire lors de l'extraction de celle-ci). Selon l'orientation du trait de fracture, le déplacement peut être important, entraînant alors une lésion du nerf alvéolaire inférieur.

b) fractures associées : dans 35 % des cas, il existe des fractures bifocales (bi-angulaire, symphyse + condyle, symphyse + angle) et dans 8 % des cas trifocales (le plus souvent symphyse + deux condyles)

c) Formes selon l'âge : si les fractures du petit enfant intéressent le plus souvent la région condylienne, il ne faut pas méconnaître une éventuelle fracture symphysaire associée qui sera difficile à voir sur le cliché panoramique compte tenu de la présence de nombreux germes dentaires et qui sera bien visualisée par un cliché occlusal.

Chez le sujet âgé édenté, la mandibule est souvent réduite au seul os basilaire et les fractures posent alors des problèmes particuliers compte tenu de l'absence d'occlusion.

d) Formes cliniques particulières : nous éliminerons de notre propos les fractures par traumatisme balistique entraînant des lésions associées des parties molles et réalisant habituellement une perte de substance interruptrice de la mandibule. De même, les fractures pathologiques sur tumeur ou ostéoradionécrose posent des problèmes très spécifiques.

3) Traitement

a) - le traitement médical comporte des soins de bouche systématiques, une antibiothérapie de principe en cas de brèche muqueuse, des antalgiques à la demande avec port d'une vessie de glace. L'alimentation sera liquide.

b) - le traitement chirurgical a pour objectif la réduction anatomique parfaite du ou des foyers de fracture.

En cas de fracture sans déplacement et si la coopération du patient est bonne, un blocage maxillo-mandibulaire sur arcs est indiqué pendant environ un mois, relayé pendant 15 jours par un blocage intermittent par élastiques.

En cas de fracture déplacée ou lorsque le blocage risque d'être mal accepté, la réduction chirurgicale est réalisée par voie endo-buccale et la contention est assurée par une plaque d'ostéosynthèse (plaque miniaturisée avec vis unicorticale). Dans ce cas, une contention complémentaire par un arc mandibulaire est habituelle. Le blocage maxillo-mandibulaire n'est maintenu que pendant les 48 heures post-opératoires à visée antalgique.

4) Evolution

L'évolution est habituellement favorable en dehors d'exceptionnelles infections du foyer de fracture nécessitant alors l'ablation du matériel et un blocage secondaire. La pseudarthrose est également exceptionnelle.

Si la réduction occlusale n'a pas été parfaite, il peut persister un cal vicieux mandibulaire pouvant justifier une ostéotomie mandibulaire secondaire.

Les troubles sensitifs par atteinte du nerf alvéolaire peuvent persister de façon durable sans traitement réellement efficace, avec risque d'évolution vers une névralgie secondaire.

 

5) Fractures du condyle

Elle se caractérisent par leur fréquence (35 %), leur survenue habituelle chez l'enfant, leur incidence fonctionnelle mettant en jeu l'ouverture buccale.

Elles surviennent habituellement par chute sur la régions symphysaire (chute de vélo).

a) Clinique

- douleurs dans la région de l'A.T.M simulant une otalgie. Cette douleur est réveillée à la palpation

- la mobilisation active et passive de la mandibule est douloureuse

- une éventuelle otoragie peut être constatée

- l'examen endo-buccal montre un trouble d'articulé caractéristique :

® en cas de fracture unilatérale, il existe un contact molaire prématuré du côté fracturé avec béance contro-latérale

® en cas de fracture bilatérale, il existe un recul global de la mandibule avec béance sub-totale

® la propulsion mandibulaire est difficile ou impossible du côté fracturé

- une association lésionnelle sera systématiquement recherchée (condyle + symphyse, condyle + angle contro-latéral)

b) Radiologie :

- la radiographie panoramique

- incidence de face : BONNEAU (face basse)

- incidence spécifique de profil (PARMA) : sans intérêt en cas de cliché panoramique de bonne qualité

- éventuel scanner

Ce bilan radiologique permet de visualiser la lésion condylienne :

- fracture intra-articulaire capitale ou sous-condylienne haute

- fracture extra-articulaire sous-condylienne basse

- déplacement des fragments condyliens en avant et en dedans sous l'effet de la traction musculaire du muscle ptérygoïdien latéral

c) Risques évolutifs

Les fractures de la région condylienne peuvent évoluer vers l'ankylose temporo-mandibulaire. Il s'agit d'une ossification pathologique de l'ensemble de la région articulaire qui se constitue progressivement après un temps initial de fibrose et qui aboutit à l'impossibilité totale de l'ouverture buccale (cf. chapitre limitation d'ouverture buccale).

Chez le petit enfant, cette ankylose peut s'accompagner d'un trouble de croissance de l'hémi-mandibule (voire de toute la mandibule en cas d'atteinte bilatérale) qui aboutira à l'âge adulte à une atrophie mandibulaire venant compliquer le traitement de l'ankylose.

d) Traitement

La clé du traitement des fractures de la région condylienne est la mobilisation rapide de ces fractures par gymnastique mandibulaire.

Ce traitement fonctionnel peut être complété par un traitement chirurgical par ostéosynthèse qui ne sera indiqué qu'en cas de fracture sous-condylienne basse déplacée.

La gymnastique mandibulaire consiste après une éventuelle courte période de blocage initial à immobiliser la mandibule de façon essentiellement active et éventuellement passive (traction par élastiques) en avant et en latéralités droite et gauche. Ce traitement est répété plusieurs fois par jour pendant trois semaines et nécessite un contrôle très rigoureux tant de sa réalisation que de son efficacité. Chez le petit enfant, un suivi prolongé est nécessaire pour s'assurer de l'absence de toute complication tardive à type de troubles de croissance ou d'ankylose secondaire.

 

LES FRACTURES DE L'ETAGE MOYEN

Les fractures de l'étage moyen de la face, souvent complexes en cas de traumatisme important peuvent se diviser schématiquement en quatre groupes selon le siège du traumatisme initial :

- les fractures latéro-faciales lorsque le traumatisme siège sur la région de la pommette

- les fractures centro-faciales en cas de traumatisme de la région nasale

- les fractures occluso-faciales ou disjonction crânio-faciale en cas d'impact maxillaire médian. Ce sont ces fractures qui s'accompagnent d'un trouble d'articulé

- les fractures crânio-faciales par traumatisme du bandeau frontal sont à la frontière de la pathologie neuro-chirurgicale

1) Fractures latéro-faciales

La fracture la plus fréquente est représentée par la fracture orbito-zygomatique (ou orbito-malaire).

a) Clinique

- douleur spontanée et exacerbée à la palpation des traits de fracture

- oedème et ecchymose très rapides, associés à une hémorragie sous-conjonctivale

- aplatissement de la pommette (vite masqué par l'oedème) avec élargissement paradoxal de l'étage moyen

- epistaxis fréquente

- diminution de l'ouverture buccale

- pas de trouble de l'articulé dentaire

- recherche systématique d'une modification de l'acuité visuelle et d'une diplopie verticale

- anesthésie ou hypoesthésie dans le territoire du nerf sous-orbitaire (aile du nez, joue, lèvre supérieure, arcade dentaire)

- la palpation retrouve une "marche d'escalier" au niveau du rebord orbitaire inférieur

b) Signes radiologiques

Des incidences simples (LOUISETTE, WATERS) sont le plus souvent suffisantes et mettent en évidence :

- les traits de fracture qui siègent sur le pilier orbitaire latéral, la margelle orbitaire inférieure et l'arcade zygomatique

- un hémosinus est habituellement constaté

- des coupes de scanner en vue coronale seront éventuellement nécessaires pour préciser l'atteinte orbitaire en cas de doute sur une brèche importante du plancher orbitaire

c) Formes cliniques

Il peut s'agir d'une fracture isolée de l'arcade zygomatique provoquant une limitation d'ouverture buccale ou plus fréquemment une fracture isolée du plancher de l'orbite ou blow-out fracture.

Dans ce cas le tableau clinique est limité à la région orbitaire avec un traumatisme direct sur le globe oculaire ayant entraîné rapidement une ecchymose palpébrale et un oedème.

La découverte d'un emphysème sous-cutané palpébral signe l'ouverture du sinus maxillaire, de même que l'epistaxis. Les signes ophtalmologiques doivent être soigneusement recherchés : enophtalmie, diplopie verticale. Dans ce cas, le bilan radiologique standard est habituellement normal et les incidences coronales de scanner sont indispensables pour mettre en évidence la fracture du plancher orbitaire et l'éventuelle incarcération du contenu orbitaire dans ce foyer de fracture.

Un test de LANCASTER permettra de préciser l'importance de la diplopie. La gêne à l'élévation du globe oculaire sera confirmé par un test de duction forcée réalisé en per-opératoire.

d) Traitements

Toutes les fractures déplacées ou compliquées doivent être traitées chirurgicalement.

La réduction de l'os zygomatique sera habituellement obtenu au crochet et mobilisé par ostéosynthèse par plaques ou au fil métallique en cas d'instabilité après réduction simple.

Les fractures orbitaires compliquées seront également traitées par abord chirurgical du plancher de l'orbite et comblement de la brèche osseuse par auto-greffe ou interposition prothètique.

e) Evolution

Des complications secondaires peuvent être observées en cas de traitement primaire insuffisant :

- défaut de réduction avec manque de projection de la pommette

- séquelle ophtalmologique avec enophtalmie et/ou diplopie résiduelle pouvant imposer une révision orbitaire avec greffe osseuse

- limitation persistante d'ouverture buccale par conflit corono-zygomatique

- hypoesthésie ou névralgie dans le territoire du nerf sous-orbitaire

- complication infectieuse sinusienne rare

2) Fractures centro-faciales

Selon l'importance du traumatisme, elle réalise soit un tableau clinique simple et bénin de fracture de la région nasale, soit un tableau clinique grave et complexe intéressant l'ensemble de la région naso-ethmoïdo-frontale.

a) Fracture du nez

Le diagnostic clinique est simple (douleurs, mobilité, oedème). La radiographie des os propres du nez de profil confirme le trait de fracture qu'il ne faut pas confondre avec suture naso-frontale physiologique.

Un hématome de cloison sera systématiquement recherché.

Le traitement primaire de réduction orthopédique est souvent décevant et laisse persister une déformation de l'auvent nasal et/ou du septum justifiant une rhinoseptoplastie secondaire.

b) Fracture du complexe naso-etmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire (C.N.E.M.F.O)

Le tableau clinique est assez caractéristique : après un violent traumatisme centro-facial, le traumatisé présente un recul de la région nasale qui paraît impactée dans la face.

Au niveau orbitaire il existe un télécanthus (augmentation de la distance inter-canthale normalement inférieure à 35 mm). L'epistaxis est habituelle. Une plaie de la région est souvent associée.

Ces fractures graves de la région centro-faciale peuvent être à l'origine d'une brèche ostéo-méningée par fracture de la lame criblée de l'ethmoïde qui sera à l'origine d'une alosmie (de diagnostic primaire difficile) et d'un écoulement de liquide céphalo-rachidien ou rhinorrée cérébro-spinale. Cet écoulement nasal sera soit spontané, soit provoqué par des manoeuvres facilitatrices tendant à faire augmenter la pression intra-crânienne (valsalva, compression jugulaire...). Le diagnostic de brèche n'est pas toujours très évident cliniquement car celle-ci peut être transitoire, rapidement occultée par l'oedème et les hématomes, mais exposant le patient aux complications secondaires redoutables à type de méningite.

Le bilan radiologique comportera systématiquement un scanner en incidence axial et coronal. La constation d'une pneumencéphalie est habituelle. La mise en évidence radiologique de la brèche est le plus souvent possible, le recours à un transit isotopique étant actuellement exceptionnel.

Le traitement de ces fractures est complexe, nécessitant habituellement un abord neurochirurgical par voie coronale ayant pour objectif la fermeture de la brèche ostéo-méningée, la reposition des canthus et des parois orbitaires internes et la bonne projection de l'auvent nasal.

Les séquelles orbitaires sont fréquentes (dystopie résiduelle, énophtalmie, ensellure nasale...).

 3) Fractures occluso-faciales

Ces fractures réalisent des traits grossièrement horizontaux ou obliques qui mobilisent tout ou partie de l'étage moyen de la face selon la hauteur du trait de fracture, l'arcade maxillaire est de ce fait placée généralement en haut et en arrière entraînant un trouble occlusal à type de béance avec rétrusion maxillaire, l'oedème est souvent rapidement important.

a) Les complications ophtalmologiques seront systématiquement recherchées (diplopie, enophtalmie)

- la sensibilité des deux nerfs sous-orbitaires sera recherchée

- la palpation douce des pares-chocs naturels de la face permettra de trouver d'éventuelles marches d'escalier

- l'épistaxis est habituelle

- la palpation endo-buccale recherche la mobilité de l'infrastructure maxillaire.

b) Signes radiologiques

Le bilan standard (radiographie panoramique, Louisette, Waters) sera souvent complété par des coupes de scanner. Il met en évidence les principaux traits de fractures et les associations fréquentes à un traumatisme latéro-facial :

- fracture maxillaire basse dite de Lefort I

- fracture maxillaire intermédiaire dite de Lefort II

- disjonction crânio-faciale vraie siègeant dans la région fronto-orbitaire ou fracture de Lefort III

- disjonction inter-maxillaire.

En cas de fracture irradiée à la région naso-ethmoïdale, une brèche méningée sera systématiquement recherchée au niveau de la lame criblée de l'ethmoïde par le scanner.

c) Traitement

Le traitement médical (cf. fracture de la mandibule) sera complété par un traitement chirurgical dont l'objectif est la réduction des différents traits de fracture et la restitution de l'occlusion antérieure. Un blocage maxillo-mandibulaire de quelques jours sera réalisé, la contention des foyers de fracture étant le plus souvent faite par plaques d'ostéosynthèse.

4) Fractures crânio-faciales

Elles siègent aux confins crânio-faciaux et intéressent le sinus frontal, pouvant s'irradier à la voûte ou à la base du crâne, avec dans ce cas un risque de brèche ostéo-méningée. Le bilan radiologique comportera systématiquement un scanner. L'association à une contusion céphalique sera de règle et pourra conditionner la prise en charge thérapeutique de ces patients qui se fera par double équipe neurochirurgicale et maxillo-faciale.

 


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